Chaque fois qu’il allait lui rendre visite, l’ange s’assurait de cacher ses ailes derrière la porte afin d’éviter sa vraie identité; comme s’il était mal à l’aise de lui dévoiler qu’il avait un cœur pur, fidèle et loyal. De toute manière, c’était moins exigeant comme ça. Il savait que la commandante ne se douterait de rien et qu’elle resterait fidèle à elle-même; qu’elle s’abstiendrait de jouer un rôle ou de faire trop de flaflas dans le but de l’impressionner!

Certaines journées, lorsque les choses n’avaient pas bien été avec son mari ou ses enfants à la maison, la commandante s’en prenait sur lui. Vêtue de son plus infâme sourire synthétique, elle lui donna des ordres, l’abaissa d’un regard prédominant ou l’intimida avec des paroles prétentieuses. Elle ne se préoccupa point des effets qu’elle avait sur l’ange. Pourtant, lorsque l’ange tenta de communiquer ses sentiments à la commandante, celle-ci lui montrait la paume de sa main en déclarant « Je ne veux pas l’entendre ».

Même si l’ange connaissait ce genre de personne et était habitué à ce style de personnage qui se croit supérieur aux autres, il continua de croire que la commandante dévoilerait sa vulnérabilité et accepterait l’amour inconditionnel que l’ange lui offrait. Et toutes les fois qu’il tentait de lui dire combien il l’appréciait et combien elle était importante pour lui, la commandante lui présenta la paume de sa main. Il arrivait parfois que la commandante n’était pas disponible, et elle envoyait quelques soldats pour faire son devoir à sa place. Entièrement dévoués à leur commandante, les fidèles serviteurs s’avéraient très efficaces dans l’exécution de leurs mandats.

L’ange persistait tout de même. « Commandante, je réalise que je prends de votre temps, je suis désolé, mais je tenais à vous préciser que malgré nos différences, je vous estime beaucoup. Vous êtes très importante pour moi ». Et encore, l’ange vit la paume de sa main … puis la haine dans ses yeux. Son besoin de contrôler était visiblement beaucoup plus fort que sa foi.

L’ange, découragé, tentait une dernière fois de percer à travers les médailles et la bravoure de la commandante dans l’espoir d’atteindre le cœur, mais cette fois-ci, la commandante, d’un geste subtil et malicieux, soutira les ailes de l’ange qu’elle avait retrouvé derrière la porte et se les appropriait. Soudainement, l’ange se mit à tourbillonner comme s’il se retrouvait dans un cyclone. Sans ses ailes, il avait l’impression d’avoir perdu son identité. Il ne savait plus qui il était ; la commandante s’était emparée de son âme.

Lorsque le vent se calma enfin, l’ange partit se réfugier à la noirceur dans le creux profond d’une caverne, loin de cet enfer invivable. Son échec avec la commandante lui laissait croire qu’il n’avait plus droit à la lumière. Il mit des mois pour guérir les plaies où se retrouvait son âme et pour refaire ses ailes. Puis, un jour, il perçut un brin de lumière venant d’une infinitésimale craque dans la masse de roches humides. Ce matin là, avec le peu de courage qu’il avait pu recueillir, il se dirigea vers la sortie de la grotte. Quand la clarté cessa de l’aveugler, il sortit lentement et timidement de sa cache et se laissa nébuliser exhaustivement par le soleil. La chaleur pénétra chaque cellule de son corps jusqu’à ce que ses cicatrices soient complètement étanchées.

Armé d’amour, d’espoir et de compassion, c’est avec allégresse, purement ré énergisé et ayant enfin retrouvé son âme, qu’il prit la route à la recherche d’autres êtres de lumière.

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